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Le ministère de l’Intérieur doit reconnaître le caractère systémique des discriminations par la police, Juin 2020
Communiqué
Le ministère de l’Intérieur doit reconnaître le caractère systémique des discriminations par la police
(Paris, le 18 juin 2020) Suite à la conférence de presse du ministre de l’Intérieur le 8 juin sur la question du racisme et des discriminations par la police, nos organisations regrettent l’insuffisance des propositions faites par le ministre. Nous appelons d’urgence le ministre de l’Intérieur, à sortir du déni sur le caractère systémique des discriminations dans les pratiques de la police française et à prendre des mesures fortes et adaptées à l’ampleur du problème.
Le 8 juin 2020, dans une conférence de presse sur la question du racisme et des discriminations par la police, convoquée en urgence, le ministre de l’Intérieur a appelé à la «tolérance zéro» contre le racisme.Nous saluons cette première avancée dans la lutte contre le racisme et les discriminations par la police. Néanmoins, nous regrettons l’imprécision des mesures annoncées, telles par exemple celle qui concernent la formation et la déontologie.
Surtout, nous regrettons que la réponse se borne à un traitement individuel du problème, le résumant aux dérives de quelques «brebis galeuses» au sein de l’institution, niant ainsi la nature systémique du racisme et des discriminations dans la police. Ce déni, C.Castaner l’a résumé en une phrase: « il n’y a pas d’institution raciste ou de violence ciblée ».
Nous lui rappelons pourtant que le Défenseur des Droits, dans une décision du 12 mai 2020, a noté que: «Aujourd’hui les nombreux constats de l’existence de différences de traitement liées à l’origine dans les relations police-population ne sont plus à présenter.
De nombreux rapports et études établissent en effet l’existence de pratiques de contrôles d’identité discriminatoires en France. Ils démontrent une discrimination systémique donnant lieu à la surreprésentation de certaines populations issues de l’immigration et de pratiques dérogatoires dans la mise en oeuvre des contrôles d’identité par les forces de l’ordre.»
Ces pratiques ont ainsi donné lieu à une confirmation de la condamnation de l’État -et non de quelques policiers-pour discrimination raciale, par la Cour de Cassation en 2016. Nous lui rappelons les témoignages et vidéos récents relatifs à des contrôles policiers violents, abusifs et discriminatoires dans le cadre des mesures de respect du confinement (dénoncés ici ou ici) et qui s’ajoutent à une longue histoire de brutalités ciblant notamment des hommes, souvent noirs ou arabes, ou des Voyageurs.
Nous lui rappelons enfin, les nombreuses révélations publiées dans les médias ces derniers jours, relatant des propos ouvertement racistes échangés par des policiers, au sein de groupes privés de plusieurs milliers de membres et qui concernent un trop grand nombre de forces de l’ordre pour être assimilables à des dérives isolées. Nous notons aussi les récentes manifestations et propos des représentants syndicaux policiers estimant que le ministère de l’Intérieur les «lâche» en reconnaissant la nature inacceptable d’actes et propos racistes dans la police.
Ces manifestations –et la diffusion massive des positions syndicales policières sont en soi une preuve supplémentaire del’ancrage profond des représentations racistes au sein de l’institution policière.Selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, une discrimination systémique«peut être comprise comme un ensemble de règles juridiques, de politiques, de pratiques ou d’attitudes culturelles prédominantes…qui créent des désavantages relatifs pour certains groupes, et des privilèges pour d’autres groupes.» (Observation n°20 relative aux principes de non-discrimination, alinéa 12).
Un tel problème nécessite une réponse globale qui, elle aussi, doit s’attaquer aux règles, politiques, pratiqueset culture de l’institution. La première étape impose de sortir du déni en reconnaissant la nature systémique du problème.«Reconnaître la nature systémique des discriminations au sein de la police et prendre des mesures en conséquence, ce n’est pas «jeter l’opprobre» sur les forces de l’ordre mais au contraire le seul le moyen de restaurer de la confiance envers ces dernières.» précise Omer Mas Capitolin, de la MCDS et membre de la plateforme «En finir avec les contrôles au faciès».