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Recommandations à la nouvelle Défenseure des Droits, Claire Hédon, du 3 aout 2020

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Paris, le 3 août 2020
Madame Claire Hedon
Défenseure des droits

Objet : Discriminations systémiques des Voyageurs : recommandations de l’ODCI

Madame la Défenseure des Droits
L’Observatoire pour les Droits des Citoyens Itinérants (ODCI) s’inquiète des discriminations
systémiques subies par les Voyageurs, affectant profondément l’exercice effectif de leurs droits
fondamentaux au quotidien. Les autorités françaises, en violation des obligations internationales
leur incombant vis-à-vis d’une population rendue vulnérable par son statut minoritaire, ne prennent
pas en compte le mode de vie spécifique des Voyageurs. La caravane, partie intégrante de l’identité
des citoyens itinérants, n’est pas considérée comme un logement et n’est pas autorisée comme
résidence sur la majorité du territoire français, ne laissant que les aires d’accueil, espaces ségrégués
souvent aux conditions de vie indécentes et à l’environnement dégradé, comme lieux de vie licites.

Au contraire, les autorités françaises rejettent et criminalisent le mode de vie des Voyageurs. Ainsi,
aux procédures d’expulsion facilitées et dérogatoires au droit commun, la loi n° 2018-957 du 7
novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites a
notamment instauré le doublement des peines encourues par les Voyageurs qui s’installeraient en
dehors des terrains autorisées, les portant à 1 an d’emprisonnement et 7.500 € d’amende, avec
application d’une amende forfaitaire délictuelle facilitant la répression et rendant plus difficile la
contestation, ainsi que la possible saisine des véhicules non affectés au logement.


C’est pourquoi l’ODCI a élaboré une série de recommandations afin de rendre effectif le
traitement égal des Voyageurs et le respects de leurs droits fondamentaux.Ces recommandations
sont réunies en cinq grandes propositions, elles-mêmes subdivisées en préconisations pratiques :

  • Adopter des mesures visant à faciliter le mode de vie itinérant
  • Garantir un droit au logement aux habitants de résidences mobiles
  • En finir avec la « criminalisation » des citoyens itinérants
  • Assurer un meilleur accès au droit commun (droits économiques, sociaux et culturels)
  • Rendre effectif le droit de participation des citoyens itinérants

La mise en oeuvre de ces recommandations, basées sur des études de terrain et une analyse poussée
du contexte législatif et réglementaire français, permettra de créer les conditions nécessaires aux
Voyageurs souhaitant vivre pleinement selon leur mode de vie traditionnel, dans le respect des
principes d’égalité et de non-discrimination.


L’implémentation rapide de ces recommandations prend aujourd’hui une importance encore
plus urgente, puisqu’elles relèvent du besoin vital pour des centaines de milliers de Voyageurs
fortement touchés par la pandémie de COVID-19, le confinement et leurs conséquences. Cette crise
a agi comme un révélateur des discriminations subies quotidiennement par les citoyens itinérants.
Les Voyageurs, rendus vulnérables par des années de ségrégation spatiale et environnementale, et
des difficultés d’accès aux services publiques les plus basics comme la santé, ont été surreprésentés
parmi les malades positifs à la COVID-19 par rapport au reste de la population française. A la date
du 29 mars 2020, au CHU Pellegrin de Bordeaux (Gironde), 70 % des patients en réanimation
étaient des Voyageurs. Au 21 avril 2020, quinze des vingt-trois personnes décédées du COVID-19
dans le département des Pyrénées-Orientales étaient des Voyageurs et au plus fort de l’épidémie à
Perpignan, 90% des personnes hospitalisées en raison du COVID-19 étaient issues des quartiers
gitans. L’absence d’un nombre suffisant de lieux de vie autorisés, leurs conditions de vie indécentes,
l’impossibilité de mettre en place les gestes barrières et la distanciation sociale dans ce cadre et
même, dans certains départements, les expulsions, sont clairement en cause dans cette
contamination massive des Voyageurs. Aucune disposition spécifique n’a été prise pour les citoyens
itinérants, pourtant particulièrement vulnérables. Les citoyens itinérants sont aujourd’hui les
premiers touchés par les difficultés économiques et sociales liées à la crise pandémique, sans que
les aides financières, souvent liées à la perception des aides au logement, leur soient accessibles
puisque la vie en caravane les rends inéligibles à de telles aides.

Nous ne pouvons que souligner l’urgence de la situation des Voyageurs en France et vous
appeler à porter une attention particulière aux discriminations systémiques à l’encontre de cette
minorité nationale méthodiquement exclue, faisant du respect de leurs droits fondamentaux l’une
des priorités de votre mandat. Nous vous assurons de l’importance que nous donnons à notre rôle de
vigie et à la transmission des informations et violations des droits recensées à vos services. Nous
serions ravis de pouvoir vous rencontrer ainsi que votre équipe afin de discuter de tous ces
éléments.

Nous restons à votre disposition et vous prions d’agréer, Madame la Défenseure des Droits,
l’expression de notre considération la plus distinguée.

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